Le CARI partage la critique sur les systèmes alimentaires du monde qui ne sont pas durables car ils produisent 1/3 des émissions de gaz à effet de serre, sont responsable de 80% de la perte de biodiversité, polluent l’air, le sol et l’eau, sont vulnérables au changement climatique, n’arrivent pas à résoudre les problèmes de malnutrition et entretiennent l’iniquité sociale et la perte des valeurs culturelles. Tout comme ils ruinent de nombreux agriculteurs.
Ainsi, au cours du dernier trimestre 2023, le CARI a été moteur de plusieurs événements destinés à faire avancer la mise en œuvre de l’agroécologie dont il est promoteur pionnier, notamment comme instrument de lutte contre la dégradation des terres et la désertification.
La transition agroécologique, qu’est-ce qu’on attend ?
L’un de ces événements s’est déroulé le 12 décembre 2023 à Viols le Fort en partenariat avec le Tiers Lieu La Source et la libraire la Bestiole, en invitant Marc Dufumier professeur honoraire d’agronomie et auteur de nombreux ouvrages sur l’agroécologie , à s’exprimer dans une conférence sous le titre « la transition agroécologique, qu’est-ce qu’on attend ? »
En introduction à la conférence Patrice Burger a expliqué que l’agroécologie et Viols le Fort avaient une tranche d’histoire commune grâce au CARI (depuis 1998) et avant lui de 1988 à 1998 au CIEPAD notamment via la personnalité de Pierre Rabhi alors président du CIEPAD. Il a rappelé que la première formation officielle en Europe portant sur l’agroécologie (notamment des zones sèches) mise en œuvre par le CIEPAD en lien avec le Centre Nationale des Etudes agronomiques des régions Chaudes (CNEARC) s’est tenue au CIEPAD sur le domaine départemental de Roussières Cazarils à partir de 1992.
De nombreux participants issus de cette formation (du Burkina Faso, du Sénégal, du Mali, de France…) sont devenus des experts et ont développé des centres de formations, des prestations d’appui ou de certification, etc…dans leur pays. Certains de ces stagiaires sont notamment à l’origine d’un travail de plaidoyer important dans leur pays contribuant aujourd’hui à l’adoption en 2022 d’une politique nationale d’agroécologie au Burkina Faso.
Yves Gorbatoff a expliqué en quoi le récent projet de Tiers Lieu la Source entendait inscrire la dynamique agroécologique dans ses préoccupations et activités à venir, notamment par la création d’un jardin agroécologique et des réflexions sur la nutrition, la sécurité alimentaire territoriale, etc….
Face à une audience étoffée et attentive, Marc Dufumier s’est attaché à décrire non seulement l’historique et les fondements de l’agroécologie, mais aussi à déconstruire certaines idées reçues sur le sujet en s’appuyant sur des explications scientifiques à partir d’exemples dans plusieurs pays, en dénonçant les impasses du modèle agricole actuel dans le monde : impasse écologique, impasse économique et impasse sociale. Il a aussi évoqué les conséquences du modèle de la Révolution Verte basée sur l’utilisation des engrais et produits phytosanitaires de synthèse, machinisme, consommation d’énergie fossile, réduction de la biodiversité, problème de santé humaine…
Chiffres et formules à l’appui mais aussi avec humour, Marc a précisé les avantages comparatifs de l’agroécologie dans tous ces domaines, et « permettant aux paysans d’adapter leurs systèmes de production au dérèglement climatique, de réduire leurs émissions de gaz à effet de serre, de séquestrer du carbone dans les sols et de préserver une très grande biodiversité, sans occasionner de pollutions majeures des eaux ; de l’air et des sols ». Basée sur son plus récent ouvrage « la transition agroécologique, qu’est-ce qu’on attend ? » il a expliqué qu’en nous « inspirant de l’agroécologie nous pourrions produire de quoi alimenter sainement et durablement une population mondiale de plus de 9,5 milliards d’habitant d’ici 2050 ». Souvent provocateur, évoquant « un modèle agricole conventionnel désormais dangereux » notamment via les perturbateurs endocriniens qui vont réduire l’espérance de vie en bonne santé d’une dizaine d’années, illustrant son propos à partir de situations vécues sur plusieurs continents, il a aussi avec humour , évoqué comment une agricultrice malgache lui avait appris l’agroécologie alors qu’en tant que jeune agronome récemment diplômé il était censé lui enseigner les recettes de l’agronomie moderne… Ambiance !
Le public visiblement ravi n’était pas avare de questions et c’est à l’heure convenue qu’il a fallu mettre un terme à la séance.
Transformer les systèmes alimentaires, ce que l’agroécologie peut offrir aux politiques publiques
Sur la même sujet un événement parallèle avait été organisé le 15 novembre à Samarcande en Ouzbékistan lors de la 21 session du Comité de revue de la Convention des Nations Unies sur la lutte contre la Désertification. Sous le titre « Transformer les systèmes alimentaires, ce que l’agroécologie peut offrir aux politiques publiques » et en partenariat avec le Ministère des Affaires étrangères et le Ministère de la Transition écologique et solidaire, le programme portait sur le potentiel de l’agroécologie pour lutter contre la sécheresse. Il comprenait les interventions de la France en termes d’orientation de politique publique en faveur de l’agroécologie, de la FAO sur les travaux engagés depuis 2018, notamment l’adoption des 10 éléments de l’agroécologie, de la Coalition Internationale de l’agroécologie regroupant 47 pays et 150 organisations diverses, d’une intervention de l’ONG iranienne CENESTA portant sur les stratégies d’adaptation des éleveurs au réchauffement climatique et du CARI sur ses travaux en matière d’agroécologie face à la sécheresse. Une intervention du CARI en plénière de la session officielle et un soutien à celle-ci de la part de l’Union Européenne, ont appuyé la mention « l’agroécologie a prouvé sa pertinence dans la lutte contre la dégradation des terres » acté dans le texte final des négociations. C’est une bonne nouvelle.
Systèmes alimentaires en danger : quelles opportunités pour la transition agroécologique ?
Enfin le 28 novembre 2023 le CARI s’était associé à la Maison des Solidarités Internationale de Montpellier dans le cadre de la quinzaine « alimentation, cultures et souveraineté alimentaire » pour une conférence commune à la salle Rabelais entre Marc Dufumier et Damien Conaré Secrétaire Général de la « Chaire Unesco Alimentations du Monde » sous le titre « systèmes alimentaires en danger : quelles opportunités pour la transition agroécologique ? ». Les deux interventions sous forme d’un dialogue facilité par Patrice Burger du CARI, ont permis de décrypter les enjeux actuels des systèmes alimentaires, y compris sous l’angle de l’insécurité alimentaire et la pauvreté, et les solutions que l’agroécologie permet d’offrir sur le plan de la productivité et du bon fonctionnement des écosystèmes, la santé humaine, mais aussi sur la situation sociale et économique vécue par un grand nombre d’agriculteurs dans le monde. Une importante audience passionnée de plus de 200 personnes, dont beaucoup d’étudiants dans les filières agricoles, a nourri le débat, notamment pour solliciter des précisions sur certains aspects techniques du système de production, mais aussi sur les effets et impacts de l’agroécologie à long terme. Plusieurs interventions ont souligné que l’enseignement agricole ne s’orientait pas assez vite et clairement en direction de l’agroécologie et poursuivait l’enseignement d’un modèle à bien des égards obsolètes et ne répondant plus aux enjeux du présent et de l’avenir.